Marchés passés
en urgence : les
justificatifs à conserver

  • Événement
  • 24-04-2023
  • David Hasday

Marchés passés
en urgence : les
justificatifs à conserver

Nombre d’acheteurs ont été obligés de réagir rapidement pour lutter contre le virus et fournir à grande vitesse aux services matériels et équipements en passant des marchés sans publicité ni mise en concurrence dans le cadre de l’urgence impérieuse. Me David Hasday, avocat associé au cabinet HDLA, leur recommande de mettre de côté des pièces justificatives toujours bienvenues en cas de contrôle.

Avec la survenance de la pandémie du COVID-19, une situation inédite s’est présentée à tous à laquelle il a fallu faire face. La commande publique en fut affectée au premier chef, s’agissant des achats hospitaliers, car il a fallu répondre dans l’instant à l’approvisionnement d’équipements et de produits médicaux dans une proportion de surcroît démultipliée en passant parfois des marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables. Mais l’exigence d’actions et de réponses immédiates ne justifie pas automatiquement l’« urgence » permettant de s’affranchir du cadre légal et règlementaire de la commande publique. En cas de contrôle a posteriori, il est important de conserver des éléments permettant de justifier ce type d’achats de « gré à gré » .

Le contrôle des comptes et la régularité de la gestion de l’établissement public hospitalier par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes, que le directeur de l’Agence régionale de santé peut déclencher face à une situation budgétaire dégradée (art. L. 6143-3 & L. 6143-3-1 du code de la santé publique), peuvent déboucher sur des observations et des recommandations. En cas de fautes de gestion, des poursuites contre le comptable public sont possibles devant la Cour des comptes ou contre l’ordonnateur devant la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF). Toutefois, il est dérogé à la responsabilité pécuniaire et personnelle des comptables publics pour les actes pour lesquels est établi un lien de causalité entre la crise sanitaire et le manquement constaté pour la période du 12 mars au 10 août 2020 (art. 1er de l’ordonnance n°2020-326 du 25 mars 2020 relative à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics modifiée par l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire ; voir également : art. 60-V de la loi n° 63-156 du 23 février 1963.)

Quels éléments justificatifs à conserver pour les achats sans publicité ni mise en concurrence?

Principe : mis à part les marchés inférieurs à 40.000 € H.T, seule une situation d’« urgence impérieuse », qui nécessite une réponse immédiate, permet de passer de tels marchés dès lors qu’elle résulte de phénomènes extérieurs (i.e. : non imputables à l’acheteur), irrésistibles et radicalement imprévisibles qui rendent impossible le respect des délais minimaux requis par les procédures formalisées ou, selon nous également, les règles et délais « allégés » des MAPA, même si le texte ne le précise plus aujourd’hui.

Pour la Commission européenne, la crise sanitaire relève bien d’une urgence impérieuse : « Il ne fait aucun doute qu’il faut satisfaire le plus rapidement possible aux besoins immédiats des hôpitaux et des établissements de santé (fournitures, services et travaux publics) ».

En pratique : il doit d’abord être justifié que les marchés ou accords-cadres en cours d’exécution ne permettaient pas de répondre à la demande d’achat en raison d’une quantité disponible insuffisante de produits compte tenu d’un besoin au volume aussi imprévisible que démultiplié et de délais de fourniture trop longs ; que leur suspension aura été prononcée afin de pouvoir s’approvisionner ailleurs (notamment en application de l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19).

Justification ensuite qu’il s’agissait exclusivement de répondre à des besoins immédiats strictement nécessaires pour faire face à la situation d’urgence ; que les délais de consultation, même réduits, ne pouvaient y répondre ; que la soudaineté du besoin n’a pu être anticipé dans les achats programmés ; que la hausse mondiale de la demande d’approvisionnement, la rareté de l’offre et la pénurie de certains équipements et produits n’ont pas permis une mise en concurrence et nécessitent de réaliser l’achat sans délai.