Travaux supplémentaires : une validation simplifiée pour les entreprises !

Le Conseil d’État, dans sa décision du 17 mars 2025 (n° 491682), a assoupli les règles concernant le paiement des travaux supplémentaires dans les marchés publics à prix global et forfaitaire. Désormais, une simple demande verbale du maître d’ouvrage suffit pour que l’entreprise puisse être rémunérée, même en l’absence d’un ordre de service écrit. Cette décision aligne enfin le droit sur la réalité économique des entreprises, reconnaissant la nécessité de flexibilité dans l’exécution des marchés publics.

Cette évolution est particulièrement significative pour les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics, souvent confrontées à des situations nécessitant une réactivité accrue. Elle leur offre une plus grande sécurité juridique et financière lorsqu’elles répondent à des demandes urgentes ou imprévues du maître d’ouvrage.

Il est toutefois essentiel que les entreprises documentent soigneusement ces demandes verbales, en consignant par écrit les détails des travaux effectués, afin de faciliter la justification des prestations réalisées en cas de litige.

Cette décision marque une avancée notable dans la reconnaissance des pratiques courantes du secteur et contribue à une meilleure adaptation du cadre juridique aux réalités opérationnelles des entreprises.

Attention toutefois à ne pas exécuter de sa propre initiative des travaux supplémentaires, le titulaire n’aura alors droit à leur paiement que s’ils sont indispensables à la réalisation de l’ouvrage.

Conseil d’État, 17 mars 2025, n° 491682

Réception judiciaire : « Qui ne dit mot renonce ? »

Dans un arrêt du 30 janvier 2025, la Cour de cassation rappelle que la réception judiciaire peut être prononcée avec des réserves, même lorsque le maître d’ouvrage s’est abstenu d’émettre la moindre observation à la date où l’ouvrage était en état d’être reçu ou ultérieurement, lors du paiement du solde.

En d’autres termes, le silence du maître d’ouvrage n’implique pas une réception judiciaire « sans réserve ». Lorsque le juge est saisi pour prononcer une réception judiciaire, il doit déterminer la date à laquelle l’ouvrage était achevé, puis examiner si, à cette date, des désordres apparents existaient objectivement. S’ils étaient visibles, le juge pourra les qualifier de réserves malgré l’absence de contestation formelle lors du règlement.

Ce mécanisme peut se révéler plus protecteur pour le maître d’ouvrage qu’une réception amiable. En effet, lors d’une réception amiable, seuls les désordres expressément énoncés dans le procès-verbal sont considérés comme « réservés ». Tout autre désordre apparent non mentionné est alors couvert par la réception. À l’inverse, en réception judiciaire, tout désordre apparent au jour où l’ouvrage était en état d’être reçu peut être érigé en réserve, même s’il n’a pas été signalé sur le moment.

Cass. 3e civ., 30 janv. 2025, n° 23-13.369, publié au bulletin.

J’importe et j’exporte : ai-je pensé à lire la Convention de Vienne ?

La Cour de cassation a rappelé que, à défaut d’avoir été expressément écartée par les parties, la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 est seule applicable aux litiges opposant des sociétés de deux États contractants lorsqu’ils portent sur des questions régies par cette convention.

En effet, « les questions expressément tranchées » par la Convention de Vienne « sont réglées exclusivement par ses stipulations », à l’exclusion des dispositions du droit interne.

Cass. 1re civ., 17 mai 2023, n° 22-16.290, publié au Bulletin.

Et si la garantie décennale n’était pas automatique ?

Le 19 décembre 2024, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que la responsabilité décennale des constructeurs (article 1792 du code civil) ne joue que pour des désordres imputables à des travaux effectivement réalisés.

Concrètement, dans le cadre d’un projet de construction, si une toiture préexistante n’a pas fait l’objet de véritables interventions de rénovation de la part des entreprises mandatées pour réaliser les travaux, les infiltrations dont souffre la toiture ne sont pas couvertes par la garantie décennale des constructeurs.

Cass. 3e civ., 19 déc. 2024, n° 23-15.039

Revirement de jurisprudence : Conseil d’Etat, Sect. 13 mai 2024, n° 466541.

Petite révolution : dorénavant, en Contentieux administratif, et sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, le recours envoyé par la voie postale est recevable s’il a été déposé à la poste dans le délai de recours, le « cachet de la poste faisant foi ».

Jusqu’à cet arrêt, le recours n’était recevable que s’il était reçu par la juridiction dans le délai de recours.

Evidemment, TELERECOURS est à privilégier ou bien l’horodateur auprès des Tribunaux.

Régulariser une offre papier dans le contexte de la full demat ?

Nombre d’acheteurs ont été obligés de réagir rapidement pour lutter contre le virus et fournir à grande vitesse aux services matériels et équipements en passant des marchés sans publicité ni mise en concurrence dans le cadre de l’urgence impérieuse. Me David Hasday, avocat associé au cabinet HDLA, leur recommande de mettre de côté des pièces justificatives toujours bienvenues en cas de contrôle.

Avec la survenance de la pandémie du COVID-19, une situation inédite s’est présentée à tous à laquelle il a fallu faire face. La commande publique en fut affectée au premier chef, s’agissant des achats hospitaliers, car il a fallu répondre dans l’instant à l’approvisionnement d’équipements et de produits médicaux dans une proportion de surcroît démultipliée en passant parfois des marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables. Mais l’exigence d’actions et de réponses immédiates ne justifie pas automatiquement l’« urgence » permettant de s’affranchir du cadre légal et règlementaire de la commande publique. En cas de contrôle a posteriori, il est important de conserver des éléments permettant de justifier ce type d’achats de « gré à gré » .

Le contrôle des comptes et la régularité de la gestion de l’établissement public hospitalier par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes, que le directeur de l’Agence régionale de santé peut déclencher face à une situation budgétaire dégradée (art. L. 6143-3 & L. 6143-3-1 du code de la santé publique), peuvent déboucher sur des observations et des recommandations. En cas de fautes de gestion, des poursuites contre le comptable public sont possibles devant la Cour des comptes ou contre l’ordonnateur devant la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF). Toutefois, il est dérogé à la responsabilité pécuniaire et personnelle des comptables publics pour les actes pour lesquels est établi un lien de causalité entre la crise sanitaire et le manquement constaté pour la période du 12 mars au 10 août 2020 (art. 1er de l’ordonnance n°2020-326 du 25 mars 2020 relative à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics modifiée par l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire ; voir également : art. 60-V de la loi n° 63-156 du 23 février 1963.)

Quels éléments justificatifs à conserver pour les achats sans publicité ni mise en concurrence?

Principe : mis à part les marchés inférieurs à 40.000 € H.T, seule une situation d’« urgence impérieuse », qui nécessite une réponse immédiate, permet de passer de tels marchés dès lors qu’elle résulte de phénomènes extérieurs (i.e. : non imputables à l’acheteur), irrésistibles et radicalement imprévisibles qui rendent impossible le respect des délais minimaux requis par les procédures formalisées ou, selon nous également, les règles et délais « allégés » des MAPA, même si le texte ne le précise plus aujourd’hui.

Pour la Commission européenne, la crise sanitaire relève bien d’une urgence impérieuse : « Il ne fait aucun doute qu’il faut satisfaire le plus rapidement possible aux besoins immédiats des hôpitaux et des établissements de santé (fournitures, services et travaux publics) ».

En pratique : il doit d’abord être justifié que les marchés ou accords-cadres en cours d’exécution ne permettaient pas de répondre à la demande d’achat en raison d’une quantité disponible insuffisante de produits compte tenu d’un besoin au volume aussi imprévisible que démultiplié et de délais de fourniture trop longs ; que leur suspension aura été prononcée afin de pouvoir s’approvisionner ailleurs (notamment en application de l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19).

Justification ensuite qu’il s’agissait exclusivement de répondre à des besoins immédiats strictement nécessaires pour faire face à la situation d’urgence ; que les délais de consultation, même réduits, ne pouvaient y répondre ; que la soudaineté du besoin n’a pu être anticipé dans les achats programmés ; que la hausse mondiale de la demande d’approvisionnement, la rareté de l’offre et la pénurie de certains équipements et produits n’ont pas permis une mise en concurrence et nécessitent de réaliser l’achat sans délai.